Murdered For Being Different

 

Bonsoir à cher public.

Winter Wolf renaît de ses cendres sous un nouveau nom et revient vous présenter une toute nouvelle chronique. Je m’excuse platement pour cette absence. La flamme de l’inspiration s’était malheureusement éteinte. Mais je suis de retour, tout pimpant et prêt à vous en mettre plein les mirettes.

Après tout, aujourd’hui est un jour spécial pour la communauté gothique. Aujourd’hui nous célébrons ce qui aurait dû être le 34e anniversaire de Sophie Lancaster.

À cette occasion, j’ai choisi de vous parler de cette triste histoire et du film hommage qui lui est dédié : «  Murdered For Being Different ».

 

 

 

 

 

 



Mais avant ça, commençons par la présentation de la dite demoiselle:

Sophie Lancaster, née le 26 Novembre 1986, était une jeune femme vivant en Angleterre dans le comté du Lancashire. Elle était décrite par ses parents comme étant une jeune femme « drôle, gentille, aimante et courageuse [...] avec une conscience sociale et des valeurs qui faisait d'elle, une personne agréable à cotoyer. » 1 ("She was a beautiful girl with a social conscience and values which made her a joy to know") Elle était en couple depuis trois ans avec un jeune homme de 21 ans, nommé Robert Maltby. C’était une membre active de la communauté gothique.

En l’an de grâce 2007, après une année sabbatique, elle se préparait à entrer à l’université d’Accrington pour y suivre un cursus d’Anglais. Malheureusement, le destin avait d'autres projets en tête pour elle. Car voyez-vous, chers lecteurs et lectrices, cette sympathique demoiselle a rendu l'âme le 24 août 2007. À la suite d’une sordide agression, survenue treize jours plus tôt, le 11 Août 2007.

 

Cette chronique ne va pas être facile à écrire, ayant une aversion énorme pour les injustices, mais je me devais de la faire. En mémoire de Sophie Lancaster, qui ne méritait pas ce triste sort. De plus, quoi de plus logique sur un blog traitant d'œuvres artistiques appartenant à la culture Gothique.

Qui plus est, peu nombreux sont les articles français traitant de ce sujet. À ma connaissance, la seule a en avoir parlé est la chroniqueuse Nephelith (D'ailleurs, c'est via son article que j'ai découvert ce fais-divers). Et au regard de la chute libre vers laquelle notre société semble se diriger, éveiller les consciences sur les crimes de haine afin de trouver le solution pour endiguer la gangrène, ça n'est pas de trop.

Et ce film, réalisé à l'occasion des 10 ans de la mort de Sophie, va m'y aider.

Film qui abordera des sujets qui risqueraient de remuer les plus sensibles d’entre vous, je préfère vous prévenir. Âmes sensibles je vous conseille donc… De ne pas vous abstenir de lire cette chronique, pour au moins vous informer, quitte à la lire en plusieurs fois, ensuite libre à vous de regarder le film ou pas. Je mettrai des Trigger Warning pour que vous puissiez vous préparer.

Mais trêve de digressions, on perd notre temps en palabres, commençons les présentations:


« Murdered For Being Different » est un long métrage sorti le 18 Juin 2017 sur BBC III, réalisé par Paul Andrew Williams et scénarisé par Nick Leather. Avec Abigail Lawrie et Nico Mirallegro dans les rôles principaux (Sophie Lancaster et Robert Maltby).

Le film est un biopic relatant l’agression subie par Sophie et son compagnon et l’enquête ayant fait suite à cet acte odieux. Le téléfilm aborde aussi la relation entre les deux jeunes adultes. Il alterne entre des moments passés (La rencontre entre Sophie et Robert et diverses tranches de vie) et les moments présents (Les minutes avant et après l’agression, l’enquête, le réveil et le rétablissement de Robert etc..). L’agression n’est montré qu’à partir du dernier quart du film. Par contre ne vous attendez pas à une scène à l’américaine avec violons dramatiques et sanglots sous la pluie. Ici c’est brut et sec sans édulcorants. Exit donc le pathos hollywoodien. Ici, c’est comme si Williams avait remonté le temps et filmé la scène telle quelle avant de déposer le produit brut sur le banc de montage. La dure et froide réalité, sans remords ni pincettes ou délicatesse. La vie est parfois cruelle et injuste, et même si on oublie très souvent ce triste constat par instinct de survie, il arrive très souvent qu'elle nous réveille sans ménagement pour nous enfoncer de force une tartine de réalité dans le gosier. Une réalité qui ne s’embarrasse d’aucune délicatesse, d'aucune précaution et qui laisse transparaître une violence crasse motivé par la haine et l'ignorance. Une violence glaciale, brutale et impitoyable.

Conseil d'ami: Prévoyez une petite sieste avec votre chat après le film, ça vous fera le plus grand bien.

Mais soyez rassurés, car non-loin de Thanatos l'on retrouve très souvent, son frère d'arme, Eros. Et ce dernier n'a pas hésité à disséminer dans le film de quoi vous émouvoir. Comme dit plus haut, le film se concentre aussi sur le jeune couple formé par Robert et Sophie, au travers de quelques scènes de tranches de vie, retranscrivant avec brio l'amour indéfectible qui les unissait. On a vraiment aucun mal à s’attacher à eux. Leurs scènes me filent un sourire jusqu’aux oreilles à chaque fois que je les revois et elles nous montrent un couple soudé et aimant, digne des époux Shelley.

Abigail Lawrie et Nico Mirallegro se donnent vraiment à fond dans leurs rôles. Et la mise en scène de Williams y est aussi pour beaucoup, évidemment. Je pense notamment à la scène du baiser qui me met les larmes aux yeux à chaque fois. Le plan moyen avec les confettis blanche « isolant » les personnages dans leurs intimités sans pour autant nous exclure du plan, nous permettant d’assister à ce moment privilégié. Plan agrémenté par un autre en légère contre-plongée avec une caméra tournant autour des deux tourtereaux. Nous permettant de profiter encore plus de ce moment important, d’en saisir encore plus la profondeur sans pour autant briser leur intimité. Mais cette scène idyllique est entrecoupée par une autre se déroulant pendant l’agression, ébranlant le château de carte, métaphore de notre attachement pour eux, qui vient de se construire devant nous, tout en le renforçant, Eros et Thanatos. Nous sommes à la fois attendrie par leurs premiers baisers et choqué par ce « spoiler » qui nous informe sur leur funeste futur. Et l’on espère alors, un peu naïvement, que tout cela va bien se terminer, qu’ils vont s’en sortir. Et le tout est sublimé par une reprise au piano du célèbre morceau des Pixies, « Where Is My Mind ? » par Maxence Cyrin qui fait office de « thème principal » étant donné qu’il est joué à chacune de leurs scènes (Sauf la scène de la rencontre où il fait place à « Rock And Roll Queen » des Subways). De quoi vous faire verser quelques chaudes larmes.

Je voudrais aussi rendre hommage à la scène où Robert, malgré un long trajet à pied sous la pluie, brave les éléments pour aller acheter le 7e tome d’Harry Potter à sa dulcinée. Il prend même le temps de patienter jusqu'à minuit dans le noir, le froid et la pluie pour obtenir le St Graal et permettre à sa chère et tendre d'accomplir cette quête Ô combien importante qu'est compléter une collection de roman. En tant que fan de longue date des aventures du sorcier britannique, cette scène a beaucoup résonné en moi. Lire le dernier tome d'une saga qui nous a suivi de l'enfance à l’âge adulte, avec laquelle on a grandie, c'est un évènement qui marque une vie, un accomplissement, une étape qui renferme une puissance symbolique gigantesque. Ce qu'à fait Robert n'est vraiment pas anodin et c'est vraiment CETTE scène en particulier qui a scellé mon amour pour eux. Pour le meilleur et pour le pire.

Maintenant, parlons des autres acteurs/actrice, tout aussi important.es à l'intrigue.

Reiss Jarvis, jouant le rôle de Michael Gorman, témoin de l’agression, principal suspect et première personne à avoir appelé les secours pour venir en aide à Sophie et à Robert, est très convaincant dans son rôle de témoin ayant envie de rester hors de toute cette affaire par peur des représailles. Il est à noter qu'il a été inventé pour le film et est un mélange de plusieurs témoins ayant assisté à la scène.

Il est tellement convaincant que pendant tout le film, j’ai un avis totalement partagé à son sujet. Je suis à la fois traversé par la frustration et la colère de le voir s’enfermer dans le silence et dans le mensonge alors que deux innocents se battent pour leurs vie à l’hôpital. Et en même temps je comprends sa peur, son envie de ne pas faire face à une réalité aussi dure, sa peur de subir la même chose, on le sent perdu, déboussolé, apeuré et j’ai de la compassion pour lui. De la compassion et en même temps de la colère, une forte envie de le secouer pour qu'il parle et mette fin à cet enfer. Chanel Cresswell est une autre actrice marquante du film, elle campe le rôle de l'Enquêtrice Steph Farley, qui va se battre corps et âme pour rendre la justice et pousser Michael à outrepasser sa peur des représailles et rendre hommage à Sophie. Et en parlant de l'enquête, dieu qu'elle nous saisit au cœur plus fortement qu'une sangsue sous ecstasy. Avant même d’avoir vu l’agression, en voyant seulement les corps inertes et meurtris de Sophie et Robert, dont on a assisté à quelque moments romantiques auparavant, on a envie de voir les coupables payer pour leur crime, on a envie de voir justice être rendu. Les enjeux sont palpables et d'une force évocatrice d'une puissance incroyable.

Je ne divulguerai pas comment toute cette affaire, je vous laisserai découvrir par vous-même, mais sachez juste que le film est convaincant du début à la fin et que son dénouement ne tombe pas misérablement à plat comme un soufflé. Qu'importe la conclusion, vous en aurez pour votre argent cher public.

Il est évident que je ne vous ferai pas non plus l'affront de vous gâcher la scène de fin et le message fort qu'elle renvoie. Je dirais juste que ce message est porté avec excellence par l’association Sophie Lancaster, créé en 2009 par Sylvia Lancaster, la mère de Sophie. Elle œuvre depuis 14 ans à honorer la mémoire de la jeune femme, en éduquant les gens contre les clichés, les préjugés et l’intolérance envers les personnes issus de cultures alternatives et œuvrant aussi à renforcer la législation britannique pour inclure les crimes de haines visant les personnes issus de ces dites cultures. (Renforcement ayant porté ses fruits étant donné qu’en avril 2013, la Police du Grand Manchester a été la première autorité de police à enregistrer et surveiller les crimes haineux et les incidents contre des personnes de sous-cultures alternatives.)

Je mentionnerai aussi cette autre réussite de l'association: En Janvier 2010, Sylvia Lancaster a été invitée à allumer une bougie à la mémoire de sa fille, au déjeuner de commémoration de l’Holocauste à Park Lane Hilton. Au cours de la cérémonie, il a été reconnu que la mort de Sophie était un crime de haine et qu’il est une incarnation des préjugés et de l’intolérance dans la société d’aujourd’hui. 3("Sophie’s death was a hate crime and represents the face of prejudice and intolerance"). C’est pour ça que le message est ont ne peut plus important à partager en cette époque troublée. À une époque où la moindre différence est montré du doigt et est traitée avec haine et mépris. Donc clamons le haut et fort, exclamons nous à tire larigot, crions le sur tout les toits, écrivons le sur tout les murs que nous croisons, gravons le sur notre peau. Intégrons le dans nos films, nos chansons, nos séries etc. Utilisons notre salive sans modération et déclarons haut et fort :

« Soyons fier.es d’être différent.es. Que l’on soit amateur.es de musique metal ou gothique, fans de Donjon & Dragons ou de cosplays, hors de l'hétérosexualité ou de la cisidentité, racisés, avec des formes, en situation de handicap etc. Ne nous cachons pas, gardons la tête haute et battons nous, relevons nous à chaque fois que nous tombons, gardons le sourire et avançons. Continuer à vivre malgré la haine est la plus belle des victoires. Assumons nos différence cher public, nous le méritons. »

Sophie n’a jamais eu honte de qui elle était, elle ne s’est jamais grimé pour faire plaisir à ceux et celles qui la rejetaient. Perpétuons cette philosophie camarades !

Et scandons sans relâche le slogan de la Sophie Lancaster Foundation:

Stamp

Out

Prejudice

Hatred

Intolerance

Everywhere 

Je vous envoie tout mon soutien et vous souhaite une belle vie, un bel avenir et une bonne soirée.


1 (Source : https://www.theguardian.com/uk/2007/aug/25/ukcrime.uknews4).

2 (https://nephelith.blogspot.com/2017/11/sophie-lancaster-assassinee-pour-sa.html)

3 (https://www.soundspheremag.com/news/manchester/news-from-the-sophie-lancaster-foundation/)

BBC Three: Murdered For Being Different 


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